Rena Kanokogi est décédée le 21 novembre à l'âge de 74 ans. Née Rena Glickman, elle a été une ado new-yorkaise turbulente que son goût pour la castagne a amené à se passionner pour le judo; elle deviendra notamment la première américaine à atteindre la 7e dan. Surtout, "Rusty" s'est battue pendant des années pour faire reconnaître le judo féminin. Elle a hypothéqué sa maison pour organiser le premier Mondial de judo féminin (New-York, 1980). Et c'est aussi grâce à elle que le judo féminin fut introduit aux JO en 1988 à Séoul; Rena Kanokogi y participa en tant qu'entraîneur pour les USA. Il paraît qu'elle n'a jamais voulu se dire féministe...et pourtant militer pour que les femmes puissent pratiquer librement le sport qu'elles ont choisi ressemble bien à du féminisme. Demandez à David Douillet, pour voir?
Mais pour tout vous avouer, je n'ai appris l'existence de Rusty que cet été, lorsque le YMCA de Brooklyn lui avait remis une récompense bien spéciale en forme d'excuse: une médaille gagnée 50 ans plus tôt et qu'on lui avait alors retirée. Pourquoi donc?
Il s'agissait d'un championnat organisé par le YMCA de New-York. Il n'y avait pas de judoka chez les Village People, mais le tournoi était bel et bien réservé aux hommes. Rena s'était déguisée pour participer - à l'époque, il n'existait pas de compétition de judo féminine. Elle a remporté son tournoi; puis avoué être une femme, et avait été contrainte de rendre sa médaille.
C'est un peu une "affaire Semenya" à l'envers. Aujourd'hui où tout ce qui ne rentre pas dans les cases est sujet à polémique, je me demande ce qui se passerait aujourd'hui si une femme déguisée en homme gagnait un tournoi de judo. On la renverrait dans sa catégorie? On instaurerait du judo mixte? Les concurrents battus porteraient réclamation?
A mon avis nous n'y sommes pas encore, mais... Les judokas sont classés par catégories de poids, les entraînement sont mixtes. Quand je pratiquais, j'ai souvent vu des femmes combattre à armes égales avec des hommes de même poids. N'oublions pas non plus que dans le judo, la force n'est pas tout., il faut de la vivacité et de la souplesse. On ne sait jamais: dans un tout autre registre, Oskar Pistorius et ses deux pieds amputés ont posé bien des problèmes existentiels à l'IAAF (Fédération International d'Athlétisme).